Classes-En-Lutte. EC3 : la furie Blanquer. Non au Service national Universel. Contre-réforme des retraites : les grèves se poursuivent

Photo : « mur du mépris » érigé devant le rectorat de Bordeaux, jeudi 6 février.

Deux élèves du lycée professionnel de Rosny-sous-bois (93) sont menacés d’expulsion. Signez la pétition : http://chng.it/G65FdfmZ

cel-hebdo-lundi-10-février

Devant le rectorat de Bordeaux, jeudi 6 février 2020

DHG. L’intégralité de l’argumentaire diffusé par les collègues du collège Politzer de Bagnolet (93)

DHG : faire plus avec moins

C’est le moment de l’année où, dans tous les établissements d’enseignement secondaire, on attend la DHG. Comme chaque année, elle est à la baisse, quand bien même les effectifs de l’établissement sont stables. Il faut faire autant, voire plus, avec moins de moyens.

            Certains établissements perdent beaucoup cette année, d’autres un peu moins ; l’année prochaine ce sera le contraire. L’irrégularité des baisses de moyens d’un établissement à l’autre, d’une année sur l’autre, a pour but de nous empêcher d’avoir une vision précise de la situation. Ainsi s’explique le refus répété de la DSDEN de rencontrer les établissements lésés dans le cadre d’audiences collectives : si on permet aux établissements de se réunir, de comparer leur situation, alors l’arbitraire de leur gestion managériale n’en sera que plus évidente.

            « Diviser pour mieux régner» ; « Déshabiller Pierre pour habiller Paul » ; « Les promesses n’engagent que ceux qui y croient » ; tels sont désormais les credo des politiques publiques. On aurait préféré un autre dicton : « Aux grands maux les grands remèdes ».

            Le collège Georges Politzer a beaucoup perdu il y a quelques années mais pour l’année 2020-2021, il ne se verra retirer « que » quatre heures. Cette baisse de DHG est minime mais éloquente. La DSDEN a en effet décidé de confisquer des heures dédiées à l’ULIS et au module relais, soit, pour le dire sans jargon, aux élèves en situation de handicap et aux décrocheu.rs.ses. Dans le même ordre d’idée, les enseignant.e.s de SEGPA du collège, spécialistes de la grande difficulté scolaire et dont le service devant élèves est déjà, statutairement, plus élevé que celui des autres professeur.e.s, se voient inciter à prendre plus d’heures supplémentaires.

            Ces baisses de moyens sont ouvertement en contradiction avec les discours officiels du Ministre et de ses subordonnés : Jean-Michel Blanquer a communiqué sur l’école inclusive et l’acception du handicap, et l’Académie de Créteil dit s’engager contre le décrochage scolaire. On constate l’inconséquence, voire le cynisme, de notre institution qui connaît les bonnes pratiques et fait mine de les encourager tout en rendant difficile leur mise en place.

            Impossible de voir là seulement un triste concours de circonstance. Il s’agit d’une attaque claire et concertée contre le service public d’éducation. Prendre le département le plus pauvre de France (la Seine-Saint-Denis), cibler dans ce département les établissements les plus en difficulté (classés REP ou REP+) et enfin, dans ces établissements, s’en prendre aux élèves les plus fragiles. Cette atteinte répétée et délibérée envers les plus faibles de la part d’individus en position de force, nous, enseignant.e.s et personnel.le.s d’éducation, sommes par notre formation habitué.e.s à la reconnaître. Cela s’appelle du harcèlement.

            Cette forme de harcèlement n’est pas uniquement une dérive de quelques hauts fonctionnaires de l’Éducation Nationale. On la retrouve désormais à tous les niveaux de la société parce qu’elle est un projet idéologique, fermement opposée aux catégories les moins favorisées de la population : femmes, jeunes et personnes âgées, en situation de handicap, migrant.e.s, précaires, étudiant.e.s pauvres, celles et ceux qui exercent des métiers pénibles, qui font des études longues, ou qui connaissent des accidents de vie (maladie, période de chômage…). Autant dire : vous, moi, nous, nos enfants et nos élèves. Ces attaques prennent de nombreuses formes, désormais connues et documentées : paupérisation, désinformation, intimidation, expulsion, mutilation, mort. Le seul avantage de cette attaque globale est qu’elle encourage ses nombreuses victimes à tenter de réaliser la convergence des luttes.

            Nous sommes au collège Georges Politzer bien conscients des attaques menées depuis l’intérieur même de l’institution contre les valeurs de la République et le bon fonctionnement du service public d’éducation. Malgré notre engagement, ces attaques commencent à porter leurs fruits et produisent chez nous une forme d’autocensure : nous en arrivons à réduire de nous-même nos ambitions, à mettre de côté des projets dont nous savons que nous n’aurons de toute façon jamais les moyens de les mener à bien. Plutôt que d’accomplir leur mission d’éducation et d’émancipation, les enseignant.e.s et les personnel.le.s de direction doivent gérer la pénurie, et sont victimes du double discours de leur hiérarchie.

            Ainsi de l’évolution cynique de la notion de « projet », qui a d’abord servi à désigner une expérimentation pédagogique : puisque le projet sortait du cadre traditionnel des enseignements, la ou le professeur.e devait accepter de le mener en heures supplémentaires. Cette logique a été dévoyée, puisque notre hiérarchie présente désormais comme « projets » des modes d’enseignement aussi courants que le dédoublement en sciences expérimentales ou les groupes d’oral en langues vivantes, des pratiques dont on connaît les résultats positifs et qui font l’objet de recommandations officielles. Par un tour de passe-passe sémantique, l’ordinaire et le nécessaire sont présentés comme une exception, voire un privilège, justifiant qu’ils ne puissent être effectués que par des heures supplémentaires. Les enseignant.e.s se retrouvent face à un dilemme insoluble : améliorer les conditions d’apprentissages de leurs élèves au prix d’une dégradation de leurs conditions de vie – travailler plus, gagner moins, accepter toujours de nouvelles tâches.

            Ces heures supplémentaires que les directions d’établissement sont contraintes d’imposer à leurs équipes permettent d’importantes économies budgétaires : dans le seul collège G.Politzer de Bagnolet, elles se montent à 67 heures, soit l’équivalent de 4 postes ou presque. Toute la dégradation (destruction progressive ?) du service public d’éducation trouve ainsi sa source dans cette simple (simplette ?) volonté : faire des économies, baisser les dépenses publiques.

            Et l’on en revient à l’indigence de la DHG. Le collège Georges Politzer, comme tant d’autres, ne fonctionne que grâce aux heures supplémentaires que sont contraint.e.s d’effectuer les enseignant.e.s. Pendant ce temps, les rect.eur.rice.s et leurs direct.eur.rice.s académiques reçoivent des primes équivalentes à deux années de salaire d’un.e enseignant.e, ou alors aux salaires annuels cumulés d’un.e assistant.e social.e et d’un.e infirmier.e ; soit justement deux personnels qui nous manquent depuis plusieurs mois et que le Rectorat de Créteil n’est même pas capable de recruter.

            Pour toutes ces raisons, mais aussi parce que nous refusons de faire comme si notre opinion, exprimée par un vote ici, était d’une quelconque importance pour une institution qui n’en tient en réalité jamais compte et parce que nous voulons ainsi dénoncer le simulacre de « démocratie » à l’éducation nationale, nous, représentant-e-s des enseignant-e-s et de la vie scolaire, ne prendrons pas part au vote.

Le 3 février 2020, à l’occasion de la réunion du Conseil d’Administration