La précarité est un moteur de l’université, à la dérive… Tous les rendez-vous d’actions du 17 novembre…

L’année universitaire 2020-2021, se fait dans des conditions particulièrement difficiles, pour les étudiant·es comme pour les personnels. Les étudiant‧es, dont près de la moitié travaille habituellement pour vivre, prennent de plein fouet les mesures de lutte contre la pandémie et la réduction du nombre des opportunités d’emploi. Au coronavirus, s’ajoute le passage au pas de charge de la loi de programmation de la recherche (LPPR). Cette loi a provoqué une forte mobilisation des universités au printemps dernier, mobilisation actuellement contrainte par l’état d’urgence sanitaire. Cette loi entérine non seulement la précarisation de la fac, mais elle la renforce tout en pénalisant la protestation.

Précarité étudiante structurelle, aggravée par la crise actuelle

Les étudiant.es subissent la crise sanitaire et la pression des universités qui persistent dans leur logique d’évaluation des étudiant.es, alors que les conditions d’enseignement sont au mieux « dégradées »… et qu’une bonne partie des étudiant.es cherchent à subvenir à leurs besoins fondamentaux.  

La « continuité pédagogique » est une fiction, quelle que soit la novlangue (« enseignements hybrides », ou encore « en distanciel » et « en présentiel ») dont elle se pare. D’ailleurs, il s’agit plutôt du « démerdentiel »… L’université est plus préoccupée à organiser des examens bancales qu’à mettre en débat l’enseignement dégradé, qu’à stopper la fuite en avant. La fac préfère faire « comme si ». Comme si le virtuel pouvait remplacer la dimension humaine du rapport à l’autre, de l’échange, du débat. Comme si le numérique ne renforçait pas les fractures et inégalités entre étudiant.es. Comme si la vie à distance pouvait permettre les solidarités. Comme si déléguer le lien humain aux entreprises privées du numérique était anodin. Comme si la situation actuelle n’obligeait pas repenser la condition étudiante.

D’après l’Observatoire de la vie étudiante (OVE, enquête 2016), près de 23% des étudiant.e.s ont été confronté.e.s à d’importantes difficultés financières, 46% des étudiant.e.s ont eu une activité rémunérée pendant l’année universitaire. À l’Université Bordeaux Montaigne, les  étudiant.es salarié.es travaillent en moyenne 19h par semaine (enquête UBM « Evaluation des formations 2019-2020 »). Un.e étudiant.e sur cinq est en dessous du seuil de pauvreté (60% du niveau de vie médian), contre 12,8% de l’ensemble de la population (« Revenu, niveau de vie et pauvreté en 2016, Insee). Ces chiffres qui illustrent la situation de fragilité structurelle et de frein à la réussite, sont fortement aggravés par la crise actuelle. Les associations caritatives (Banques alimentaires, Secours populaire, etc.) tirent la sonnette d’alarme devant l’explosion du nombre de demandes d’aide. Des collectifs de solidarité alimentaire, souvent constitués par les premier.ères concérné.es, s’organisent pour soutenir les étudiant.es, preuve s’il en est que l’autogestion et l’action sont une réponse aux incuries de l’État et aux politiques injustes du gouvernement. Le pouvoir en place n’a-t-il pas diminué les APL, ne refuse-t-il pas d’encadrer les loyers, cautionnant l’engraissement des propriétaires immobiliers sur le dos des plus fragiles ? Les mesures sporadiques, versées au compte-goutte sont loin d’être à la hauteur des enjeux. Plus largement, le CROUS est sous-doté, tout comme l’enseignement universitaire dont le budget entre 2008 et 2018, a augmenté d’un peu moins de 10% alors que les effectifs d’étudiant.es ont augmenté de 20%. Cela signifie que le budget par étudiant a chuté de près de 10% en France entre 2008 et 2018 (Piketty, Le Monde, 12 oct. 2017). Les chiffres du budget avancés dans la LPPR ne sont qu’un trompe l’œil, des effets d’annonce destinés à masquer la casse de l’université.

Précarisation de l’enseignement et de la recherche consacrée par la LPPR

L’université, (l’Université Bordeaux Montaigne comme les autres universités) ne pourrait pas assurer ses missions sans avoir recours en permanence à des contrats précaires (vacation, CDD). Cela est valable pour l’enseignement et pour les services administratifs et techniques. L’université repose sur l’exploitation des précaires, que ce soit au niveau administratif (40% de non-titulaires parmi les BIAT·O·SS), au niveau des enseignements (en licence 70% des enseignant·es sont précaires), ou de la recherche (organisation des colloques, rédaction d’articles) (UniversitéOuverte.org, reprenant les données ministérielles du MESRI).

En matière d’enseignement, les heures statutaires des services des enseignant.es titulaires sont très inférieures aux heures des maquettes de formation. Par conséquent, l’université fonctionne avec des heures supplémentaires assurées par des titulaires (certain.es demandant des dérogations pour doubler leur service…) des contractuel.les et des vacations. Ces moyens coûtent moins chers et ne garantissent en rien la qualité des enseignements. D’un côté, les collègues qui se dévouent, voire donnent de leur personne pour enseigner plus que de raison… disposent donc d’un temps et d’une attention théoriques par étudiant.e moindres. D’un autre côté, les vacations, contrats précaires par excellence, ne permettent pas une projection dans des projets pédagogiques pensés sur le moyen ou long terme, discutés en équipe, au sein desquelles d’ailleurs on trouve une multiplicité de types de statuts (titulaires, CDD variés, vacataires). Les vacations payées en dessous du SMIC, avec plusieurs mois de retard, dérogent au droit du travail, ces contrats ne donnent pas lieu aux cotisations et n’ouvrent aucun droit social (chômage, retraite, congé maladie, etc.). L’Association Nationale des Candidats aux Métiers de la Science Politique estime à 13 000 le nombre de postes de maître·sses de conférences actuellement remplacés par le recours aux vacataires, soit 20% du nombre actuel d’enseignant·es chercheur·ses titulaires. Sur la période 2012-2018, le nombre de recrutements de maîtres.ses de conférences et de professeur.e des universités a baissé respectivement de 36% et 40%, alors que le nombre d’étudiant.es augmente…

En matière de recherche, le constat de son sous-financement est unanimement partagé. Les réformes successives consacrent les appels à projets, en particulier via l’ANR (Agence Nationale de la Recherche) comme source de financement appropriée, au détriment des financements d’équipes, pérennes, au détriment du temps long que nécessite la recherche, en particulier fondamentale. Seul.es les happy few remportent un projet (environ un projet sur dix est financé, l’écriture d’un projet représente des mois de travail) et on observe un processus cumulatif et de concentration des projets financés dans des équipes (universités, laboratoires) renommées. De plus, le financement par appel « d’offre », s’il consacre la concurrence au dépens de la coopération, renforce aussi le pilotage de la recherche, en fonction par exemple des effets de mode, au détriment de l’innovation, de la prise de risque, et de la liberté dans les choix des thèmes de recherche. On n’évoque pas le temps du financement par projet, souvent quatre à cinq ans, qui ne correspond pas au temps de la construction scientifique, celui de l’élaboration de nouvelles questions de recherche. Hors, la LPPR entérine les recrutements en CDD (ex. tenure track), contourne les logiques collégiales (délégitime le Conseil national des universités), renforce les logiques de domination locale via la hiérarchie et l’explosion des contrats précaires.

La LPPR est par ailleurs l’occasion pour le gouvernement de faire d’une pierre deux coups : bond en avant de la fac dans les logiques de marché (exacerbation de la concurrence, précarisation, orientation du savoir au service du politique et d’intérêts économiques au lieu de l’intérêt général, etc.), et pénalisation sans précédent des universités via la définition d’un délit d’entrave à l’université. À la dernière minute, le gouvernement a introduit un délit d’entrave via l’article 20 bis AA qui pénalise la protestation à la fac, le fait de « troubler la tranquillité ou le bon ordre de l’établissement [ ] est passible des sanctions définies dans la section 5 du chapitre Ier du titre III du livre IV du code pénal », « tout délit d’entrave est désormais passible de 1 an de prison et de 7 500€ d’amendes, et s’il est commis en réunion, de 3 ans de prison et de 45 000€ d’amendes. ». Etudiant.es sacrifié.es, savoir aliéné, fac pénalisée, voilà ce que ce gouvernement, dans la continuité des précédents, entérine, rappelant s’il le fallait la dérive totalitariste de l’État au service du marché.

Section CNT Sup. Rech. 33. 14 novembre 2020

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Les dernières infos de la Coordination nationale éducation

Sur la journée de grèves et de mobilisations du mardi 17 novembre

En dépit de l’absence d’appel national malgré le vote du budget 2021 à l’Assemblée nationale (dont celui de l’Éducation) et le début de l’examen de la loi de « sécurité globale », les mobilisations locales se sont multipliées sur la date du mardi 17 novembre. Elles permettent de briser l’isolement et de poursuivre sur la dynamique de la semaine de rentrée.

• Île-de-France :
• Grève et manifestation de l’Éducation et des collectivités dans le 93 pour un « plan d’urgence pour le 93 », à l’appel d’une très large intersyndicale intercatégorielle et de l’AG des établissements du 93 qui s’était mise en place en octobre (date de grève prévue de longue date). Manifestation départementale à 10h à Bobigny, de la préfecture à la DSDEN 93.• Délibéré du procès en appel de Victor et Roga de l’université de Nanterre : rassemblement à 13h à la Cour d’appel de Versailles.• Rassemblement contre la LPR à 15h à la Sorbonne• Rassemblements contre la loi de « sécurité globale » à 16h et 18h à la place Édouard Herriot derrière l’Assemblée nationale

• Toulouse : rassemblement à l’occasion du CDEN 31 (boycotté par les syndicats)

• Grenoble : Grève des ATSEM, agent·d’entretiens et autres personnels non enseignants, particulièrement mobilisés le mardi 10 novembre. Rassemblement à 8h30 à l’Hôtel de Ville de Grenoble.
(Puis à 18h, rassemblement contre la loi de « sécurité globale », voir plus bas.)

• Marseille :journée de grève et rassemblement des AED ce jeudi 19 novembre. Comme partout en France, les équipes de vie scolaires ont été particulièrement mobilisées le mardi 10 novembre.

• Loi de « sécurité globale » examinée à l’Assemblée nationale à partir de mardi 17 novembre.
• Rassemblements partout en France : Paris Assemblée nationale 16h et 18h ; Lyon Préfecture 18h ; Marseille Église des Chartreux 18h ; Grenoble place Poulat 18h, etc.• Liste plus complète des rassemblements partout en France contre la loi de « sécurité globale » en bas de cet article :https://www.bastamag.net/appel-rassemblement-17-novembre-contre-la-PPL-securite-globale-fauvergue-repression-diffusion-images-droits-fondamentaux-en-danger
• Mobilisations des AESH le mercredi 2 décembre, au moins dans certaines académies.

2Dernières informations et perspectives de revendications

• Extension des dédoublements aux collèges :
• Bataille pour l’extension des demi-groupes aux collèges, alors que des dédoublements sont d’ores et déjà mis en place au compte-goutte. Bataille contre tout cumul distanciel-présentiel (charge de travail, inégalités, absence d’outils, contrôle administratif des absences…)• Un tableau partagé spécifique pour les dédoublements obtenus en collègea été mis en place, pour servir d’appui aux équipes qui se mobilisent :

https ://frama.link/tableau-dedoublements-college

• Nouvelle version de la FAQ ministérielle, mise à jour du vendredi 13 novembre :
https://www.education.gouv.fr/coronavirus-covid-19-les-reponses-vos-questions-306136
• Nouveautés : modalités du port du masque à l’écoleréunions parents-profs annuléesorganisation de « l’enseignement hybride » en lycée GTpersonnels vulnérables (voir plus bas), enfants vulnérables (avec la même liste de critères que pour personnels). Encore en suspens : question de la garde des enfants vulnérables.
• Suivre quotidiennement la FAQ ministérielle, déjà modifiée en cascade les 2, 4, 9 et 13 novembre…

• Point sur les personnels vulnérables :
• Décret sur les salarié·e·s vulnérables en activité partielle du mardi 10 novembre, paru au JO du 11 novembre.
• Liste étendue de critères de vulnérabilité (avec maladies rares notamment), mais conditions plus restrictives pour l’activité partielle dans le privé, avec la main laissée aux patrons sur l’évaluation des « aménagements »
• Dans l’Éducation nationale : Circulaire DGAFP du 10 novembre pour la Fonction publique, et FAQ ministérielle du 13 novembre.• Modalités :– Télétravail pour les personnels vulnérables.- Pour les personnels pour lesquels ce n’est pas possible (enseignant·e·s, agent·e·s, AESH, etc.), des aménagements (cumulatifs mais souvent formulés sur le mode « le plus possible ») doivent être mis en place par le chef de service.Exemple d’aménagements insatisfaisants proposés localement par des directions : faire cours en visio dans une salle à une classe restée dans une autre salle…- Si ces « aménagements » ne peuvent être mis en place, alors l’agent·e est placé·e en ASA (autorisation spéciale d’absence).- En cas de désaccord sur les aménagements, saisir le médecin de prévention : la démarche est suspensive, et l’agent·e est placé·e en ASA entre-temps.
• Bulletin Officiel djeudi 12 novembre :
• Circulaire de la DGESCO du 6 novembre sur la mise en place des dédoublements et du distanciel : chefs d’établissements doivent vérifier que l’équipe pédagogique fait bien le distanciel (50% présentiel minimum et 100% temps élève garanti par le distanciel)• Organisation des examens : les dates n’ont pas changé, y compris pour les épreuves de spécialité en Terminale GT les 15-16-17 mars.
• Question de la transparence institutionnelle :
• Opacité sur les chiffres sur les taux de contamination dans les établissements. Très dur d’obtenir les chiffres dans certains bahuts, les chefs d’établissement n’informent ni parents ni personnels. Idem dans les écoles.• Tests pour les personnels de l’Éducation : systématisation des tests antigéniques vs PCR favorise la minoration des chiffres de contamination (chiffres non encore comptabilisés correctement par les ARS).• Opacité surles « plans de continuité pédagogiques » remontés par les directions des lycées GT aux rectorats, qui se réduisent à des « formulaires » non consultables par l’équipe pédagogique. Comment obtenir ces plans remontés aux rectorats, pour faire respecter les revendications et dispositifs pédagogiques mis en place en AG par les personnels ?
• Soutien aux 4 de Melle :
• Nouveau communiqué du comité de soutien le samedi 14 novembre :

https://www.facebook.com/touchepasmazep/posts/1571623076357449• Recours hiérarchique auprès de Blanquer (réponse sous 2 mois)• Appel du comité de soutien à envoyer (individuellement et/ou collectivement) des courriers / motions au Ministère par voie hiérarchique, pour revendiquer l’annulation des sanctions. Mettre en copie le comité de soutien aux 4 de Melle pour le suivi : 

SoutienAux3DeMelle@gmail.com• Caisse de soutien à diffuser dans nos écoles et établissements, dans nos syndicats et AG, dans nos associations pédagogiques, etc. : 

https://www.lepotcommun.fr/pot/n9i5n24r
• Prochaine réunion de coordination nationale de l’Éducation : cesamedi 21 novembre à 13h45.
Pensez à en discuter dans vos AG et coordinations locales pour mandater des collègues pour cette réunion de coordination nationale.